Depuis 2010, l’association Enquête propose aux centres sociaux et aux écoles primaires des ateliers et des outils pour aborder les questions religieuses et la laïcité à l’école. La Directrice, Marine Quenin, a ainsi mis en place 14 ateliers. Reportage au centre social du Roy d’Espagne à Marseille, où Marie, 19 ans, animait mercredi 6 mars une séance portant sur Jésus.
« Maman c’est quoi les vacances de la Poussin ? », « Elias a mangé du porc à la cantine sans faire exprès alors qu’il devait pas, il va être malade ? ». Marine Quenin avait régulièrement droit à des questions étonnantes de la part de sa fille, élève de CP. Pour elle, un constat s’est imposé: on n’explique pas assez ce que sont les religions à l’école primaire. Par ailleurs agnostique, elle décide alors de « proposer des outils pour découvrir la laïcité et le fait religieux à l’école ».
C’est ainsi qu’avec une amie elle a fondé son association Enquête, à l’automne 2010. Depuis, 14 ateliers ont été mis en place dans différents centres sociaux répartis sur Paris, Lille et Marseille, et dans une école privée basée à Nogent-sur-Marne. Sur ces 14 ateliers, seulement trois animateurs appartiennent à l’association Enquête. Les 11 autres font partie d’une association avec laquelle travaille Marine Quenin: Coexister, qui oeuvre à pacifier les rapports entre les religions. A Marseille, deux centres sociaux ont accepté de mettre en place des ateliers pour qu’un animateur vienne parler aux enfants de religions.
Ateliers d’Enquête: « pas d’opposition entre croyants et non-croyants »
Marie, 19 ans, originaire de Bourgogne, se rend ce mercredi après-midi au centre du Roy d’Espagne pour y animer l’atelier d’Enquête. Le matin, elle a déjà travaillé avec les enfants de La Rose, un quartier populaire de Marseille tandis que le Roy d’Espagne est plus résidentiel et plus aisé.
« Après le bac j’ai voulu faire un service civique et j’ai choisi de travailler un an pour l’association Coexister. Marine Quenin avait besoin d’une animatrice sur Marseille et j’ai accepté », se souvient-elle.
« Je m’occupe d’une dizaine d’enfants par atelier » détaille-t-elle. « Il n’y a pas d’opposition entre croyants et non-croyants » poursuit-elle. « Il y a juste des clichés qui sont longs à déconstruire, beaucoup d’enfants confondent encore Arabes avec musulmans et Français avec catholiques ».
Dynamique et efficace, Marie n’a pas besoin de faire la police pour arriver à garder l’attention des enfants. Mais un animateur du centre est toujours présent durant ses ateliers, au cas où il faille en rappeler un à l’ordre. Ce mercredi après-midi, c’est Audrey qui va ainsi encadrer les 8 enfants – quatre filles et quatre garçons ayant entre 7 et 9 ans- avec Marie.
Durant l’atelier d’Enquête, les enfants écoutent sagement Marie et participent en répondant à ses questions. Crédit photo: Laura Fernandez Rodriguez
« Joseph, c’est le beau-père de Jésus »
Au Roy d’Espagne, le thème de la séance du jour est Jésus. Mais Marie commence par demander aux enfants ce dont ils se souviennent de la séance précédente, portant sur Abraham.
Les enfants sont attentifs, certains un peu provocateurs. Lorsqu’elle demande « comment on appelle ceux qui croient en un seul Dieu, ça commence par mono…? », un garçon termine ainsi par « poly » provoquant les rires de ses camarades.
Ce type de questions-réponses est récurrent, car Marie veut que la séance soit interactive pour que les enfants suivent plus facilement. « Vous connaissez des choses sur Jésus »? demande-t-elle. « Joseph c’est son beau-père, puisque c’est pas son père » raisonne un garçon. »Il est né le 24 décembre » s’exclame une fille. « Dans la crèche », complète une autre.
« Mais quelqu’un qui ressuscite, c’est un mort-vivant »
Peu à peu, à force de questions et réponses tâtonnantes, la biographie de Jésus se dessine. Pour être sûre que les enfants se l’approprient bien, Marie met en place un jeu, où les enfants sont répartis en deux équipes et doivent se faire deviner un mot-clé (Noël, et Pâques) sans utiliser certains mots interdits, rappelant dans son fonctionnement un célèbre jeu de société.
Les enfants sont très rapides pour se faire deviner ces fêtes religieuses, mais ne refusent pas un dernier résumé de la part de Marie. Car certains épisodes religieux coincent encore. Quand elle évoque la résurrection de Jésus, par exemple, une petite voix déclare « mais quelqu’un qui ressuscite c’est un mort-vivant? » d’un air mal-assuré. Marie sait faire face aux questions les plus étonnantes.
Marie prend le temps de réexpliquer certains points que les enfants n’ont pas compris. Crédit photo: Laura Fernandez Rodriguez
La construction de l’arbre
Après un autre jeu participatif où les enfants doivent apprendre à faire la distinction entre le « sacré » et le « profane » via des photos représentant entre autres des peintures religieuses, des oeufs de Pâques et un sapin, Marie passe à la dernière étape de son atelier. Les enfants se mettent en file indienne et chacun va lui donner un mot qu’ils ont retenu parmi tous les thèmes abordés.
Marie note scrupuleusement les idées de chacun, et lors de la prochaine séance les enfants réaliseront des feuilles pour symboliser chaque mot et former un grand arbre.
La première branche de l’arbre. Crédit photo: Laura Fernandez Rodriguez
Pour l’instant, leur arbre est composé d’un tronc et d’une première branche. Mais les enfants en sont déjà fiers.
Les enfants contemplent l’arbre qu’ils sont en train de créer. Crédit photo: Laura Fernandez Rodriguez
Ce mercredi soir, en rentrant chez eux, les enfants parleront peut-être avec leurs parents des thèmes qu’ils auront abordés au centre.
La prochaine séance, elle, portera sur Mohamed.