Le business du halal, de l’interdit culturel au concept marketing

Une boutique entièrement consacrée au halal aux Etats Unis. Crédit: Flickr/CC/quinn.anya

Halal. En arabe, ce mot signifie licite et désigne ce qui est autorisé par la loi islamique. Par exemple, le halal exclut le porc, l’alcool et leurs dérivés, les jeux d’argent et de hasard, les intérêts et la spéculation dans la finance. La pratique religieuse est devenue une opportunité commerciale et marketing pour les entreprises, qui déclinent le halal à toutes les sauces.

Bienvenue à l’Alambra. Situé en Seine-Saint Denis, ce restaurant propose une carte entièrement halal. On peut y commander de la cuisine française, comme de la blanquette de veau ou de la tartiflette, mais également des burgers où des pâtes. Les clients affluent de toute la région parisienne et parfois de plus loin encore. Le restaurant fait salle comble au rez-de-chaussée, mais également au sous-sol ou la cave à vin du restaurant installé là précédemment, devenue obsolète, a été transformée en salle de prière. Le succès est tel qu’un deuxième Alambra vient d’ouvrir à Vitry-sur-Seine, au sud-est de Paris. Une réussite symptomatique de la demande croissante de produits halal d’une part non négligeable de la population française. Demande que les entreprises s’empressent désormais de satisfaire.

Le halal, un marché de 5,5 milliards d’euros, le double du marché du bio

S’il est interdit de faire des statistiques « ethniques » et religieuses officielles, on évalue entre 3 et 6 millions le nombre de musulmans en France. Sans être capable de déterminer la part de ceux qui respectent les préceptes du Coran, il est évident que cette frange de la population française représente une bonne oportunité pour les entreprises. D’après une étude de marché réalisée par le cabinet d’étude marketing ethnique Solis, le halal représenterait une manne de 5,5 milliards d’euros, soit, en guise de comparaison, le double du marché du bio.

Le halal devient donc un argument de vente, comme nous l’explique Michel Turin, journaliste et auteur d’un livre sur la question, Halal à tous les étals. « Le halal est devenu un atout marketing, qui  comprend bien plus que la viande ! Un concept qui était à la base uniquement religieux a été récupéré à des fins économiques. Aujourd’hui, on encourage les consommateurs musulmans à toujours acheter plus de halal ». Dans son livre, Michel Turin donne une liste de produits qui ont fait leur apparition.

Le champagne 0% d'alcool Night Orient. Crédit: night-orient.com

Le champagne 0% d’alcool Night Orient. Crédit: night-orient.com

Du champagne, le Cham’alal devenu le Night Orient, ou de la bière, la Sultane Kriek, qui permettent aux consommateurs musulmans de participer à des festivités sans contrevenir à leurs principes religieux. Mais le halal touche aussi les cosmétiques (le dentifrice), les yoghourts, les produits d’entretien et les confiseries, garanties sans gélatine.

25% de produits halal en plus en 2011

Des produits qui ont fait leur entrée dans les supermarchés. A Paris, le magasin Hal’shop, ouvert en 2010, est la première supérette entièrement dédiée aux produits halal. Mais les grandes enseignes habituelles ont également suivi le mouvement. Le groupe Casino a pris les devants et propose dans ses magasins Leader Price et Franprix des rayons entièrement dédiés au halal. Jean-Charles Naouri, patron du groupe Casino et pionnier dans la commercialisation de halal à grande échelle, parle de “commerce de précision”.

Les produits halal ciblent une population musulmane trentenaire et active. Ces Français issus de l’immigration de deuxième et troisième génération seraient bien intégrés en France tout en ayant la volonté de concilier leur culte avec leur façon de vivre. Le néologisme “beurgeois” a été forgé pour les désigner, un terme que réfute Michel Turin. “C’est un raccourci journalistique qui voudrait regrouper sous le même nom des réalités sociologiques différentes. Il existe certainement un grand éventail de consommateurs français de halal que l’on ne peut pas enfermer dans ce terme”. Des profils de consommateurs différents et encore flous pour une réalité infaillible, celle des chiffres. Entre 2010 et 2012, le marché du halal a crû de 10%, et le nombre de produits référencés halal a augmenté de 25% rien que sur l’année 2011. Une expansion très rapide mais qui soulève plusieurs enjeux, comme celui de la certification halal des produits.  

Le halal, un business de la certification?

Pour être certifiée halal, la viande doit provenir d’une bête abattue selon un rituel. Sans étourdissement, la bête est égorgée par un “sacrificateur” qui prononce une prière avant de lui trancher la gorge. La bête est ensuite suspendue par les pattes pour se vider de son sang. Ces sacrificateurs professionnels sont légitimés par un certificat qui leur est délivré. On touche alors à une autre facette du business du halal, celui de la certification.

Un produit vendu aux Etats Unis à base de viande certifiée halal. Crédit: Flickr/CC/mrbill

Un produit vendu aux Etats Unis à base de viande certifiée halal. Crédit: Flickr/CC/mrbill

Dans l’Hexagone, il existe une multitude de labels halal, mais tous ne sont pas dignes de confiance. Le scandale des poulets Doux, certifiés halal à tort par un organisme et retirés des magasins Casino, en atteste. On trouve cependant en France une agence spécialisée dans la certification de produit halal, l’association A votre service. AVS est reconnue comme instance principale par la communauté musulmane dans le domaine de la certification. Mais trois autres organismes sont également habilités à délivrer des certificats halal. Et il s’agit de… mosquées.

En effet, la grande mosquée de Paris, celle de Lyon et celle d’Evry sont reconnues pour certifier les produits halal. Ce qui leur permet d’engranger des recettes importantes. L’ARGML, l’organisme de certification halal rattaché à la mosquée de Lyon percevrait entre 800 000 et 900 000 euros par an, selon le recteur. Comme l’indique le blog spécialisé sur le halal Al-Kanz, le chiffre est important mais peu impressionnant lorsque l’on sait que les mosquées de Paris et d’Evry contrôlent à elles deux 70% du marché de la certification. Une autre facette du business du halal très critiquable pour Michel Turin. “Les mosquées se battent pour des parts de marché, elles se tirent la bourre. Et souvent, elles font mal leur boulot. Elles ont un monopole de la certification alors qu’elles sont juges et parties. C’est bien pour leur image de marque mais au final, c’est négatif pour le consommateur. Alors que l’association AVS, elle, a une image de sérieux, de rigueur”.

Une bonne image qui n’a pas empêché l’association de voir son contrat rompu avec une des plus grande marque de halal, Isla Délice. Avec ses 44% de parts de marché, l’entreprise affichait un chiffre d’affaire de 60 millions d’euros en 2011. “Un coup de tonnerre” selon Michel Turin, qui prive l’association d’un partenariat avec une entreprise qui a su pleinement profiter de l’essor du business du halal.

L’aubaine commerciale des objets à l’effigie du Pape François

Des T-shirts à l'effigie de Jorge Bergoglio disponibles depuis son élection Crédit: mercadolibre.com.ar/

Des T-shirts à l’effigie de Jorge Bergoglio disponibles depuis son élection
Crédit: mercadolibre.com.ar

Une semaine après son élection, le visage du nouveau Pape argentin s’affiche déjà sur de nombreux produits dérivés.

Un porte-clé à l'image du pape. Crédit : mercadolibre.com.ar/

Un porte-clé à l’image du pape.
Crédit : mercadolibre.com.ar/

Des pendentifs, des T-shirts, des tasses. Dans les boutiques de souvenirs qui avoisinent la place Saint Pierre, on peut s’offrir la tête de Sa Sainteté François pour quelques centimes d’euros. Son visage bonhomme et souriant orne les pendentifs et les images pieuses vendues en kit avec des chapelets.

Des petits sacs plastiques renfermant une photo du pape François et un chapelet se vendent sept euros contre 50 centimes d’euros pour les cartes postales à son effigie. On peut également acheter des affiches qui représentent le Saint Père avec des extraits de ses premières paroles à la communauté catholique.

 

 

Une bonne affaire sur le web

Des tasses papales. Crédit : mercadolibre.com.ar/

Des tasses papales.
Crédit : mercadolibre.com.ar

Ces objets dérivés se vendent également très bien sur Internet. Dès son élection, certains sites spécialisés se sont précipités sur la manne financière. Par exemple, le site Mercado Libre, un des gros sites de e-commerce en Amérique du Sud, on peut acheter des T-shirts imprimés à l’effigie de Bergoglio pour 55 à 80 pesos soit 8 à 12 euros. Des tasses à café sont également disponibles pour 6 euros.

Le site de commerce eBay n’est pas en reste. On y trouve des coques de smartphones, des badges ou des marque-pages pour 3, 5 ou 9 euros. Le site qui propose des enchères a vu une photo dédicacée par Jorge Bergoglio, alors encore cardinal, être l’objet d’une concurrence acharnée.

Mise en vente à 1 euros, elle s’est finalement vendue à 461 euros.      

François, un pape pauvre pour les pauvres ?

Le Pape François Crédit : Flickr/CC/arkhangellohim

Le Pape François
Crédit : Flickr/CC/arkhangellohim

Habemus Papam. Le conclave a sacré Jorge Mario Bergoglio, un jésuite argentin, à la tête de l’église catholique. Loin d’être le favori, l’heureux prélat a peut être conquis le conclave  par son profil d’homme humble voire austère.

La fumée blanche s’est élevée. Le nouveau pape s’appellera François. En 2005, déjà, l’archevêque de Buenos Aires était arrivé juste derrière Joseph Ratzinger en nombre de votes. Cette fois ci, Jorge Mario Bergoglio a bien été sacré par le conclave. Né le 17 décembre 1936 d’un père employé ferroviaire et d’une mère au foyer, ce descendant d’immigrés piémontais vit de façon modeste, un style de vie très éloigné de la splendeur du Saint-Siège. À Buenos Aires, il a renoncé à la luxueuse demeure de l’archevêché et se contente d’un appartement à côté de la cathédrale. Il n’a ni domestique ni moyen de transport, il se déplace fréquemment en métro.

Un homme proche du peuple

Supporter du club de football San Lorenzo, qui a été créé par un curé, l’homme est en contact permanent avec ses fidèles. Une proximité qui le pousse parfois à prendre des positions contre le gouvernement de son pays. En 2009, Jorge Mario Bergoglio s’en est ouvertement pris au gouvernement Kirchner, qui selon lui aggravait les inégalités sociales au sein du pays. En 2001, il avait indiqué aux Argentins qui avaient voulu venir le voir à Rome, au moment de sa désignation en tant que cardinal, qu’il préférerait qu’ils donnent l’argent des billets d’avion aux plus démunis.

« Une église pauvre pour les pauvres »

Samedi 16 mars, lors de la première rencontre du nouveau pape avec la presse mondiale, Jorge Bergoglio a affirmé vouloir « une église pauvre pour les pauvres ». Il venait alors d’expliquer pourquoi il avait choisi le prénom François. C’est une référence à Saint François d’Assise, un homme issu d’une famille aisée qui avait abandonné sa richesse pour vivre parmi les démunis. « François est le nom de la paix, et c’est ainsi que ce nom est venu dans mon coeur » a-t-il expliqué.

Le miracle économique de la médaille

La Chapelle de la Médaille Miraculeuse accueille chaque jour de nombreux pèlerins et touristes. Depuis l’apparition de la Sainte Vierge dans cette chapelle, les Filles de la Charité commercialisent une médaille supposée miraculeuse.

Médaille Miraculeuse

Panneau à l’entrée du site de la chapelle de la Médaille Miraculeuse.
Crédit photo: Paul de Coustin

Tout débute lors d’une apparition. Le 27 novembre 1830, la jeune Catherine Labouré, « novice » (stade précédent le statut de sœur) chez Les Filles de la Charité, voit apparaître Marie. La Vierge se tient debout sur un globe, ses mains rayonnent d’un éclat merveilleux. Catherine Labouré entend ses mots : « Ces rayons sont le symbole des grâces que Marie obtient aux hommes ». Un cercle se forme autour de l’apparition en forme de médaille. Dans la partie supérieure,elle voit s’inscrire, en demi-cercle, cette invocation : Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous. L’apparition de cette médaille se retourne, et Catherine voit l’autre face. C’est le revers de la médaille. En haut, une Croix surmonte l’Initiale de Marie. En bas, deux cœurs signifiant l’amour.

La Vierge lui adresse encore la parole : « Faites frapper cette médaille sur ce modèle. Les personnes qui la porteront jouiront d’une protection toute spéciale de la Mère de Dieu ». Catherine se bat alors avec ses supérieurs pour les convaincre de la véracité de ses dires, puis de la nécessité de faire frapper des médailles pour le plus grand nombre. C’est chose faite dès 1832 alors qu’une grave crise de choléra touche Paris. C’est le moment ou Les Filles de la Charité commencent à distribuer, en juin, les 2 000 premières médailles frappées. Selon le site internet de la chapelle, les guérisons commencent alors à se multiplier.

Aujourd’hui, la médaille n’est plus distribuée mais vendue.

C’est une sœur qui tient la boutique. Derrière son comptoir, elle ne chôme pas.  Guides, cartes postales, prospectus, tous les articles sont à vendre. Un poster coûte 2 euros 50, une carte postale s’achète 40 centimes. Le best-seller est sans surprise la médaille miraculeuse. Différentes tailles, différentes couleurs et différents matériaux, l’objet est décliné sous plusieurs formes. Les tarifs varient selon les critères. Une certitude, les transactions s’enchaînent. « Je suis incapable de vous dire combien j’en vends par jour, ça part comme des petits pains », indique la sœur.

Boutique

Un étalage de médailles à l’intérieur de la boutique. Crédit photo: Paul de Coustin

A l’extérieur du magasin, sœur Marie Geneviève bénit les médailles tout juste achetées par les touristes. Elle leur prend les mains, les paumes ouvertes avec les médailles délicatement posées, puis récite une prière, les yeux fermés. Elle ne sait pas exactement comment les bénéfices tirés des ventes, nombreuses, seront distribués. « Il y a l’entretien de la chapelle, et on doit sûrement donner le reste aux pauvres ». Absent lors de notre visite, le père Patrick Griffin ne pourra pas nous renseigner davantage.

Des visites qui s’enchaînent

Madame Vigo est responsable des pèlerinages pour la chapelle. Sur son petit bureau est posée une pile de dossiers imposante. « Ça, c’est juste un petit bout du mois de mars ». Ce sont les demandes pour venir faire un pèlerinage. Les États Unis, Tahiti, l’Asie, les réservations proviennent des quatre coins du monde. Une aubaine pour la chapelle qui accueillera ces touristes en les faisant évidemment passer par la case boutique de souvenirs. « On a des partenariats avec des agences de tourisme, des tour opérateurs », explique madame Vigo. Des cars entiers de visiteurs qui viennent spécialement pour visiter ce lieu et obtenir leur médaille protectrice. Perpétuant ainsi le miracle économique de la médaille.