« La laïcité c’est le vivre-ensemble »

Croyants et non-croyants, responsables religieux, simples fidèles et acteurs engagés dans la vie de leur quartier se sont rassemblés mercredi dernier pour débattre autour du thème : « Comment mieux vivre la laïcité dans le XIe arrondissement ? ».

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Les représentants religieux invités au débat sur la laïcité dans le XIe organisé par l’association CIEUX 
(Crédit: Maïna Fauliot) 

Les bancs en velours rouge de la salle des mariages sont tous occupés. Des dizaines de Parisiens de toutes confessions se sont réunis dans la mairie du XIe arrondissement pour parler de la laïcité dans leur quartier. Quatre invités se tiennent à la place habituelle des mariés. Drapeaux français et européen derrière eux, portrait de François Hollande accroché sur le mur à leur gauche, les représentants religieux commencent à s’exprimer. L’enjeu premier de cette rencontre organisée par l’association de dialogue interreligieux CIEUX : définir ce qu’est la laïcité et ce qu’on en espère.

La laïcité : un moteur pour le « vivre ensemble » ?

« Je vois dans la laïcité un facteur positif », affirme Abdelkader Achour, l’imam de la mosquée Omar. Il explique qu’en théorie la « neutralité de l’Etat en matière religieuse » garantit un certain nombre de droits qui se déclinent autour de la devise française selon l’imam : « l’égalité des droits, la liberté de croire, pas de privilège pour une religion par rapport à une autre » et « aucune hiérarchie entre croyants et non-croyants ». « Cela doit aboutir à une ambiance de fraternité », conclut-il. La critique ne tarde pas chez Serge Benhaïm, le président de la synagogue Abravanel. « La laïcité est une notion ancienne, noble, juste mais qui a changé de signification ces derniers temps. Elle a été limitée, notamment par des lois. La liberté religieuse est aujourd’hui réduite alors qu’elle devrait être garantie par la laïcité. » Restrictions sur l’abattage rituel, peur de ne plus pouvoir porter une kippa dans la rue, absence de carrés spécifiques dans les cimetières… Les craintes de la communauté juive se rapprochent de celles de la communauté musulmane.

Jean Carassus est le représentant de la communauté civique (croyants ou non qui participent aux rencontres interreligieuses en abordant le sujet sous un angle non-religieux et en s’appuyant notamment sur les droits de l’homme). Il rappelle que la « laïcité ne doit pas nier le fait religieux ». « Etre croyant n’est pas seulement quelque chose de privé, c’est aussi appartenir à une communauté et pratiquer sa foi avec les autres membres ». Le prêtre de la paroisse Notre Dame d’espérance, Antoine de Vial, estime que « les Américains ont déjà traité la laïcité au XVIIIe siècle ». Il balaie du regard le public devant lui. « Ce n’est pas une invention française du XIXe ou du XXe siècles ». Mais il ne veut pas s’attarder plus longtemps sur des considérations conceptuelles ou institutionnelles. Il veut plutôt « partir de la vie ». Pour comprendre comment la laïcité se manifeste au quotidien il a fait un travail préparatoire avec des habitants du XIe arrondissement. « La laïcité doit avant tout permettre le vivre ensemble », rapporte-t-il, « c’est aussi un accueil, un respect, une sympathie réciproque ».

Découvrir la religion de ses voisins

 Le respect passe aussi par des gestes, petits mais symboliques, explique le prêtre catholique : « enlever ses chaussures quand on entre dans une mosquée par exemple ». Dans la même veine, l’imam Abdelkader Achour rappelle une de ses dernières initiatives.  « Pour l’aïd al fitr, à la fin du ramadan, on a organisé un buffet à la mosquée Omar et on a veillé à dresser une table entièrement casher ».

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Plusieurs dizaines d’habitants du XIe arrondissement sont venus participer au débat 
(Crédit: Maïna Fauliot) 

Les fêtes sont un sujet récurrent tout au long de la soirée. Une fois les interventions des responsables religieux terminées, le débat se poursuite parmi le public pendant presque une heure. Les habitants du XIe arrondissement ne cessent de rappeler l’importance du lien social qu’il faut tisser entre voisins. Les cérémonies religieuses sont ainsi plébiscitées comme un moment privilégié pour découvrir les pratiques des autres communautés. « Ce qui importe c’est de ne pas lâcher le contact avec les autres », affirme une jeune bouddhiste dont la mère est chrétienne et le père musulman, « le problème aujourd’hui c’est que certains jouent sur les peurs des gens et les agitent pour diviser ». La plupart des participants imputent les tensions de la société actuelle à l’ignorance de l’autre.

Un homme qui se présente comme chrétien intervient au sein d’un des groupes d’échange qui s’est constitué dans la grande salle. « Il y a un mot que je n’ai pas assez entendu ce soir, c’est la fraternité ». « La France ou notre quartier devrait être comme dans une fratrie dont les frères et les sœurs sont différents, se disputent parfois mais malgré ça le sentiment de fraternité domine. »

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