Comment vivre sa foi en transgressant un interdit religieux ? C’est le quotidien de Sylvain Cypel (sans rapport avec le rédacteur en chef du Monde). Elevé dans une famille juive pratiquante, il comprend rapidement qu’il ne pourra jamais respecter la hakalha à la lettre. Sylvain est homosexuel. Pendant longtemps il a été partagé entre sa foi et sa sexualité, reniée par les textes sacrés. Aujourd’hui il arrive à concilier les deux, plus ou moins équitablement.

Sylvain Cypel dans son appartement parisien, où religion et homosexualité cohabitent.
(Crédit Photo : Gwendolen Aires)
Sylvain sait qu’il aime les hommes « depuis toujours ». Pacsé et en couple depuis quinze ans, il concilie sans plus aucun d’état d’âme religion et homosexualité. Trois chandeliers juifs traditionnels dominent le salon de son appartement parisien. Juste à côté, un drapeau arc-en-ciel fièrement posé. L’homme de 47 ans à la carrure imposante, les yeux aussi sombres que ses cheveux, vit aujourd’hui pleinement ses « deux identités ». « Je n’ai pas demandé à être juif, je n’ai pas non plus demandé à être homosexuel. Pourquoi devrais-je choisir? »
Lorsque l’interdit est un carcan religieux et social
Ca n’a pas toujours été évident pour le Bordelais d’origine. Sylvain grandit selon la tradition juive orthodoxe, avec des parents plutôt « ouverts ». Le dimanche et le jeudi, il participe aux classes religieuses. « Tout mes amis étaient juifs ». L’héritage familial paternel ashkenaze dicte son enfance. Sa mère, de confession catholique, a elle dû se convertir. Un processus qui aboutira à l’adolescence de Sylvain. Ce jour là le rabbin concèdera : “Maintenant toi, ton frères et ta sœur êtes de vrais petits juifs”. Un affront pour celui qui s’est plié aux dogmes judaïques jusqu’alors. “Si j’avais été plus âgé j’aurais pu le frapper”.L’adolescent est fier d’être juif. Au point même de taire son identité sexuelle, bien aidé par l’environnement social dans lequel il évolue. « Même mon psy avait décidé que je n’étais pas gay ». Il pensait ses parents tolérants. Ils ne le soutiendront pas non plus. Du moins les premières années. « L’homosexualité oui, mais chez les autres ».
A dix-neuf ans Sylvain décide de sortir du placard. Timidement. Dépression et abandon des études scientifiques en école préparatoire. Le jeune homme est rongé par le rejet familial et religieux. S’en suit une période de remise de question. « (A 24 ans) je me suis fiancé avec une fille. Elle savait que j’étais gay ». « Je l’ai fait par culpabilité. Pour mes parents, mais aussi parce qu’être homosexuel c’est mal lorsqu’on est juif ». Les fiançailles sont rompues après la mort de ses grands-parents paternels, particulièrement attaché à la tradition religieuse. Pour Sylvain c’est un tournant. Il quitte Bordeaux pour la capitale. Il a 27 ans.
« Je suis devenu un juif libéral à Paris »
« Avant d’arriver à Paris, j’étais persuadé que les juifs gays ça n’existait pas ». L’émancipation sera la révélation. Une fois installé dans la capitale, Sylvain adhère à l’association des juifs homosexuels de France, le Beit Haverim. Il rencontre son premier conjoint à la première réunion. « Il était très religieux ». Le couple se sépare au bout de six ans. « J’étais soulagé de ne plus avoir à respecter la tradition juive à la lettre ». Enfin pleinement homosexuel. Un peu moins croyant.
La rigueur des préceptes le lasse. « Je suis devenu juif libéral à Paris ». Son compagnon actuel l’est lui aussi. Tout deux procèdent à de petits arrangements avec les interdits religieux, très rigoureux au quotidien selon la halakha (liste des règles juives). Censé ne pas produire, ni allumer de feu pendant chabbat, Sylvain n’hésite pas à prendre l’ascenseur. Pour ce qui est de l’alimentation, idem. A table, tout n’est pas kascher, et la viande se sert dans la même vaisselle que les laitages.
Son combat: la reconnaissance de l’homosexualité par le judaïsme
Juif modéré donc, mais engagé. Avant de devenir président du Beit Haverim en 1997, il intervient sur RCJ (Radio de la communauté juive). Il est le premier homosexuel annoncé à l’antenne comme tel. Interviewé sur la journée de lutte contre le sida, « j’en ai profité pour dire ce que j’avais à dire ». Parallèlement à ses études en psychologie, Sylvain milite aujourd’hui pour la reconnaissance et l’acceptation de l’homosexualité par le judaïsme. Sans le Beit Haverim, qu’il a quitté.
Sa sexualité l’a opposé une énième fois aux « représentants religieux » lors des mois qui ont précédés l’adoption du projet de loi du mariage pour tous. A ses yeux c’est une « question est républicaine, pas spirituelle ». Le droit au mariage pour les homosexuels ne doit pas dépendre des dogmes religieux. Contre nature selon eux ? « Si c’est interdit dans les livres sacrés c’est que ça existe par nature. Je ne viens pas de la planète Mars »!