A l’heure ou la communauté catholique célèbre l’élection de son nouveau pape, les féministes catholiques aimeraient voir jaillir un jour une fumée rose. Impensable pour l’Eglise catholique, alors pourquoi pas, des femmes prêtres ?
Crédit : Flickr/CC/Dean Ayres
Vatican, 12 mars 2013. A quelques heures de l’élection d’un nouveau pape, des féministes du collectif religieux Women in Priests manifestent place Saint-Pierre où les cardinaux sont réunis en conclave dans la chapelle Sixtine. La raison de cette agitation : demander l’ouverture de la prêtrise aux femmes. Car jusqu’à présent, contrairement à l’Eglise protestante et anglicane, l’Eglise catholique interdit aux femmes d’exercer le sacerdoce. Les revendications féministes seront-elles entendues par le nouveau pape François? Sur quoi se fonde l’interdiction des femmes à occuper des ministères religieux ? Eléments de réponses.
Rester fidèle à la tradition inspirée par Jésus Christ
Il s’agit avant tout de suivre la tradition observée par Jésus Christ : Jésus était un homme et avait fait le choix de s’entourer de douze apôtres, exclusivement des hommes. Autre argument d’ordre symbolique invoqué par l’Eglise catholique: être prêtre, c’est agir en la personne du Christ sur Terre. Jésus étant lui même un homme, son incarnation se fait selon le sexe masculin. Mais, rappelle la déclaration Inter Insigniores exposant les raisons de l’exclusion des femmes à la prêtrise, si “Jésus n’a appelé aucune femme à faire partie des Douze (…) ce n’était pas pour se conformer aux usages du temps, car son attitude à l’égard des femmes contraste singulièrement avec celle de son milieu et marque une rupture volontaire et courageuse”.
Un principe fermement défendu par la papauté
En 1994, le pape Jean Paul II expliquait dans sa lettre apostolique “Ordinatio sacerdotalis” que « l’ordination sacerdotale, par laquelle est transmise la charge, confiée par le Christ à ses apôtres, d’enseigner, de sanctifier et de gouverner les fidèles, a toujours été, dans l’Église catholique depuis l’origine, exclusivement réservée à des hommes » ajoutant que “ cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Eglise”.
Benoît XVI a confirmé la ligne de son prédécesseur. Dans son ouvrage “Lumière du monde”, il affirmait que l’Eglise n’a « en aucune manière le pouvoir d’ordonner des femmes. Nous ne disons pas : nous ne voulons pas, mais : nous ne pouvons pas. Le Seigneur a donné à l’Eglise une forme, avec les douze apôtres puis, à leur suite, les évêques et les presbytes, les prêtres. Ce n’est pas nous qui avons donné cette forme à l’Eglise ».
Des enjeux de pouvoir
Ces arguments suffisent-ils à expliquer l’exclusion des femmes du Sacerdoce ? Non, à en croire Olivier Bobineau, sociologue des religions et auteur de l’Empire des papes (Ed. du CNRS), qui invoque des « enjeux de pouvoir ».
“Les femmes ont le pouvoir démographique, celui de la reproduction, on leur a donc refusé le pouvoir politique, celui de guider spirituellement les hommes” précise-t-il.
La référence à Jésus Christ et aux apôtres a été essentielle dans la conception de la place des femmes au sein de l’Eglise. Selon Eric Pinson, enseignant-chercheur, “le mythe du Dieu père, prêtre, pape (…) a eu des répercussions sociales et a conduit à une valorisation du masculin et une dévalorisation du féminin”, la femme occupant alors “une fonction subalterne à l’homme”.
Enfin, le corps de la femme a été lui-même au cœur de cette exclusion. « Parce que la femme est celle qui met la vie au monde, elle est un être créateur, comme Dieu” et n’a donc pas cette mission d’incarner Dieu sur Terre, explique M. Bobineau. Mais également, poursuit-il, parce que son corps « objet de désirs et de fantasmes a suscité une méfiance et une défiance qui pourrait éloigner l’homme du sacré. Cette méfiance découle de la thèse gnostique grecque et explique pourquoi pourquoi le pape Nicolas II a interdit en 1059 les prêtres à se marier ».
Une évolution vers plus d’ouverture est-elle possible ?
“Certes il y a des saintes dans l’Eglise catholique mais ce n’est pas demain qu’il y aura une papesse”, estime Olivier Bobineau. La ligne rouge posée par les textes a pourtant été franchie.
En 2005 en France, Geneviève Beney devient la première femme prêtre en France. Ordinée par trois evêques théologiennes excommuniées de l’Eglise, l’autorité cléricale condamnera cet acte.
En 2010, c’est au tour de l‘italienne Maria Vittoria Longhitano, qui appartient à la branche dissidente de l’Eglise romaine, de recevoir le sacerdoce.
Ces cas restent rarissimes dans l’histoire de l’Eglise catholique dont la position sur le sujet peut “difficilement évoluer”, estime Eric Vinson.
“Les religions restent attachées à la dualité des sexes et à leur complémentarité, elles ne peuvent que résister” a-t-il expliqué en pointant une “complexité et une ambiguïté de la place de la femme dans le christianisme”.
“Les religions ont un rôle de promotion et de protection de la femme en leur temps, mais aujourd’ hui elles sont dans une position archaïque, sachant que la vraie question, c’est celle de la différence sexuelle.”
En attendant, des associations de féministes catholiques fleurissent petit à petit et agissent pour une meilleure prise en compte de la femme dans le mouvement ecclésiastique. Le Comité de la jupe a ainsi organisé le 9 mars dernier le premier “conclave des femmes” réunissant 72 catholiques pour réfléchir à une meilleure prise en compte de la femme car leur situation “dans l’Eglise catholique est non seulement injuste et contre-productive”. A ce titre, elles ont proposé la création d’un observatoire des pratiques de parité dans l’Eglise, et avec un peu plus d’humour, “que les hommes d’Eglise ne portent plus de robe”.