La position du pape sur les interdits religieux est souvent sujet de tensions entre l’église et la société. En 2012 Benoît XVI, avait créé la polémique en dénonçant l’utilisation du préservatif. Aujourd’hui, à peine élu, le nouveau pape est attendu au tournant. Les plus libéraux risquent d’être déçus. Changement de style, mais pas changement de fond à la curie. Selon Philippe Clanché, journaliste à Témoignage Chrétien, et Jean-François Colosimo, enseignant en philosophie et chroniqueur au Monde des Religions, le pape François ne sera pas le pape de la révolution.

Philippe Clanché (à gauche) et Jean-François Colosimo (à droite) au Forum de la Fnac Ternes (Paris), mercredi 19 mars 2013.
Crédit Photo : Cécile Schillis-Gallego
Ce sont des chantiers de taille qui attendent l’ancien archevêque argentin. Si les interdits religieux, notamment ceux liés à la sexualité, avaient occupé une place importante durant le pontificat de Benoît XVI, pour nos deux spécialistes ce ne sera probablement pas le cas pour son successeur. “Le pape François est jésuite et malin. Il va déplacer les accents, focaliser l’attention sur son combat contre les finances plutôt que de heurter de front la modernité”, assure Jean-François Colosimo lors du débat organisé la Fnac Ternes (Paris, XVIIe arrondissement), mercredi 19 mars. Selon le directeur du Centre national des livres, ce sera sur ce point que le nouveau patron des chrétiens concentrera ses efforts. Et l’attention du monde entier par la même occasion.
Le non catégorique à l’avortement, à l’euthanasie et à l’homosexualité
A Philippe Clanché d’ajouter : “Avec lui il n’y aura pas de révolution, il est trop vieux. Peut-être une ouverture de la discussion”. Mais pas sur les questions les plus délicates comme l’euthanasie, l’avortement et le mariage homosexuel. Car en vérité, le journaliste le dit, l’opinion du nouveau Pape sur les interdits religieux ne diverge pas de celles de ses prédécesseurs. Un retour sur la position de l’Eglise concernant la facilitation de la fin de vie et l’avortement “paraît théologiquement impossible”, selon le journaliste, lui même catholique. En 2012, Jorge Bergolgio, alors archevêque, avait qualifié la dépénalisation de l’IVG à Buenos Aires de lamentable.
En 2010, l’actuel Pape avait mené un combat acharné contre la légalisation de l’union entre deux personnes du même sexe en Argentine. Des déclarations fortes et une position inflexible, qui lui avaient valu des échanges tendus avec la Présidente Cristina Kirchner. Une Eglise qui accepte le mariage gay ne semble pas être au programme de ce nouveau pontificat. “A mon avis ce sont nos petits enfants qui verront ça”, confirme Philippe Clanché.
Des prêtres mariés et des femmes avec plus de responsabilités, pas théologiquement impossible
La position du pape François quant au mariage des prêtres est arrêtée et claire : il est formellement contre. En revanche il pourrait théoriquement exister des prêtres mariés, selon Jean-François Colosimo. “Ordonner un prêtre marié ça n’est pas impossible. Ce qu’on ne verra jamais c’est le mariage d’un prêtre déjà ordonné”. “Car il s’est engagé avec Dieu et à fait voeux de célibat”, renchérit Philippe Clanché. Sur cet interdit une porte pourrait donc s’entrouvrir. Pas sûr cependant que le nouveau Pape approuve cette idée.
Selon le directeur de Témoignage Chrétien, une des prohibitions sur lesquelles il serait le plus facile, voire nécessaire, de revenir serait la place des femmes dans l’Eglise. “Si l’Eglise continue à considérer la moitié de la société comme inférieure hiérarchiquement, les femmes continueront à la quitter”. Des femmes avec des responsabilités au sein de l’Eglise, cela existe en France, au niveau de la Conférence des évêques par exemple. “On pourrait aussi envisager des diaconesses”, indique Jean-François Colosimo. “Mais je doute que ce soit la priorité du Pape”, conclut son acolyte.