Des émeutes antimusulmanes ont fait 43 morts en Birmanie à la fin du mois de mars. Pour le quotidien Le Monde, ces violences menacent l’ouverture politique amorcée il y a deux ans.
Birmanie – Les violences entre bouddhistes et musulmans menacent la transition politique
Crédit: capture d’écran TV5 Monde/YouTube
Les divisions religieuses pourraient constituer la principale menace pour la Birmanie. C’est le constat que dresse le quotidien Le Monde, dans un éditorial de son édition datée des dimanche 7 et lundi 8 avril, intitulé « Birmanie: les risques d’un chaos social ». « La Birmanie est une mosaïque impossible composée de 135 ethnies répertoriées. On y parle une centaine de langues différentes. Bouddhisme, islam, catholicisme, religions protestantes et confucianisme y cohabitent », rappelle ainsi le journal. Ces divisions font de la Birmanie un navire bien difficile à diriger. « Gouverner la Birmanie est un défi. L’unifier, un fantasme: l’ ‘Union de Myanmar’ — tel est le nom officiel du pays — n’est qu’une désunion », juge l’auteur de l’éditorial.
L’un des signes les plus visibles de cette désunion sont les « sanglantes émeutes antimusulmanes l’année dernière dans le Sud-Ouest et fin mars dans le Centre ». Ces dernières ont fait 43 morts, selon un bilan officiel rendu public samedi 30 mars. Alors que le pays a entamé un processus d’ouverture politique il y a deux ans, avec la démission de la junte militaire « reconvertie » en administration civile, ces violences interreligieuses montrent que « rien n’est joué au ‘Myanmar’ ».
Les réactions politiques existent, même si elles se limitent pour l’instant aux déclarations. Le quotidien rappelle qu’ »après les émeutes antimusulmanes de la semaine dernière, (le président Thein Sein) a tancé, dans un discours courageux, les sbires de l’extrémisme bouddhiste ». Cependant, les actes concrets font cruellement défaut, et certains soupçonnent même des officiers de l’armée, « peu enclins à soutenir de trop rapides développements démocratiques, d’avoir incité les émeutiers ».
Quelle est la position de Aung San Suu Kyi, icône de la résistance sous la dictature (qui a duré de 1962 à 2011) ? Le Monde se fait l’echo des observateurs qui lui reprochent de ménager les bouddhistes, majoritaires, afin de ne pas s’aliéner une grande partie des électeurs. « Elle espère être élue présidente aux élections de 2015″, rappelle le journal, qui, sans y répondre, pose la question taboue: « Craindrait-elle de voir s’effriter son immense popularité ? »
Les violences entre bouddhistes et musulmans inquiètent au-delà des frontières de la Birmanie. L’ancien président américain Jimmy Carter, en visite à Rangoun, a confié vendredi 5 avril son « inquiétude ». « Les récentes violences risquent de nuire à la réputation que vous avez gagnée dans votre pays alors que vous essayiez de la reconstruire », a-t-il déclaré.